Amis slappytiens préparez à un pavé de musicologue.
Je me permet d'intervenir car comme vous le savez je fais une thèse sur le "groove" dans la musique de la Motown et d'Atlantic Records. (si ça c'est pas funky comme sujet de thèse)
Bref, tout d'abord il faut s'entendre sur les termes. Il y a "groove" et "groove".
En fait, il y a deux niveaux de lecture du groove. Tout d'abord un niveau que je qualifierai par défaut de mystique.
Celui fait entrer en ligne de compte des données sociologiques et affectives très difficiles à analyser et à quantifier.
C'est par exemple quand on dit pendant un concert à son pote : "oh putain ce bassiste, il groove". En fait, ça veut tout et rien dire et c'est totalement subjectif, et en tant que musicologue je ne peux pas analyser ces phénomènes qui sont plus de l'ordre de l'anthropologie et de la sociologie.
Par contre, je ne suis pas d'accord avec Falcobass quand il dit que le groove n'est pas une science exacte.
Il existe un deuxième niveau de lecture qui lui est purement littéral. Dans la musique populaire, il n'y a pas de partitions donc le texte premier est l'enregistrement, et c'est à ce niveau qu'il y a des éléments du groove qui sont parfaitement quantifiables.
À l'aide de divers logiciels d'analyse spectrogramme etc..., on arrive à déterminer des éléments récurrents dans les répértoires funk, soul, etc... Bref les musiques liées au groove.
1) Placement souple par rapport à la pulsation (les musiciens jouent devant ou derrière le temps), on peut même observer des sortes de crescendo par rapport à ce placement. Plus un morceau est lent, plus les musiciens font être loin de la pulsation.
2) L'idée d'une pulsation "grasse". Cela signifique que sur les temps importants de la mesure (le 1er dans la musique de J. Brown), la pulsation est suraccentué, pas sur le point de la dynamique, mais encore une fois sur le placement temporel. On remarque sur le spectrogramme que l'attaque importante est beaucoup plus large que les autre. ça signifique que les musiciens prennent beaucoup plus de souplesse pour remplir cette pulsation. (on peut imaginer par exemple que le batteur joue sur le temps, le bassiste et le guitariste un peu avant, et les cuivres un peu après. On retrouve cela très souvent chez Otis Redding avec notamment le bassiste très en avant, et le sax baryton très en arrière).
C'est deux exemples simples, il y a bien entendu beaucoup d'autres données.
Finalement, la réfléxion est la même pour le swing.
On ne peut pas expliquer pourquoi les gens vont dire que ça swingue, mais les musiciens quantifie le swing en disant que 2 croches équivalent à 1 croche pointée et une double.
Pour revenir à la question de Susano, elle est beaucoup moins naïve que ce qu'elle laisse paraitre.
La musique populaire se caractérise par de courtes phrases musicales qui sont répétées. (les riffs, les licks tout ce que vous voulez) à la différence de la musique classique qui est composée de longue phrase articulé comme un texte.
Donc le groove est marqué par une notion cyclique du temps. Le meilleur exemple est "Papa Was A Rolling Stone" des Temptations où le groove de 2 mesures est répétée pendant les 7 minutes voir plus de la chanson.
Un groove est donc bouclée sur lui-même, dans sa constitution il est inscrit sa nécessité de se répéter pour avoir une utilité et une place musicale, donc très souvent la fin d'un groove appelle le début. Un peu comme un serpent qui se mord la queue, et pour cela une des gammes les plus adaptées est la penta blues avec quelques chromatismes bien placés au dessus ou au dessous de la fondamentale.
Donc, on pourrait répondre que pour groover, il est préférable d'utiliser une penta blues même si la musique regorge de contre-exemples, on peut noter que très très souvent c'est cette gamme qui s'adapte le mieux à la notion cyclique du temps qu'impose le groove.
Pardon pour ce pavé, j'espère vous avoir éclairé sur certains points.
Et surtout pas taper pour ma vision scientifiques du groove, je ne veux pas tuer la magie derrière cette musique, mais simplement comprendre un processus musicale.