"Je suis contente de ma vieillesse" et "la mort ne me fait pas peur", déclarait l'hiver dernier Soeur Emmanuelle dans un entretien paraissant mercredi, à titre posthume, dans "Pèlerin magazine". La religieuse y confie avoir connu une longue période de doute, avoir dû lutter contre la tentation -incarnée par un collègue professeur beau et intelligent- et revenant sur une vie qu'elle avait trouvée "passionnante".
Dans cette interview, Soeur Emmanuelle évoque sa jeunesse, se décrivant comme une demoiselle "coquette" qui voulait "voyager" et "danser avec de beaux garçons". Elle dit s'être sentie "libérée" en entrant dans les ordres, chez les soeurs de Notre-Dame-de-Sion.
Cependant, sa foi n'était pas inébranlable. Elle dit avoir traversé une "période de doute (qui) a duré des années", lorsqu'elle était enseignante à Istanbul pendant la Seconde guerre mondiale: "Quelle preuve avais-je que Jésus était le fils de Dieu? Je n'en avais aucune".
Après la guerre, elle a pu aller étudier à La Sorbonne, à Paris, où la lecture de Pascal l'a "sauvée". Le philosophe écrit que "Dieu n'est pas sensible à l'intelligence mais au coeur", rappelle-t-elle. "Grâce à Pascal, j'ai compris que c'est au plus profond de moi-même que je devais chercher Dieu et non pas en lisant les textes des savants et des philosophes".
Soeur Emmanuelle se souvient avoir rencontré un autre "problème" lorsqu'elle était jeune religieuse. "J'étais dans l'enseignement, et il y avait un professeur très intelligent, très bien de sa personne (...) Un beau jour, je me suis rendu compte qu'il commençait à m'intéresser un peu trop, le professeur!". Elle est "allée voir une vieille mère" qui lui "conseillé de ne pas rester braquée sur (son) problème, mais de visiter les malades, les pauvres, tous ceux qui souffrent". "Maintenant, je conseille à ceux qui sont en souffrance de s'intéresser aux autres plus qu'à eux-mêmes, c'est radical", devise-t-elle.
Lorsqu'on lui demande de dresser le bilan de son existence, Soeur Emmanuelle confie: "Ma vie a été passionnante. Elle l'a été évidemment parce que Dieu m'a permis, partout où je suis passée, d'aimer les autres, de les aimer vraiment, d'essayer de les aider, de sorte que ma vie a été une suite d'actions d'amour". Lorsqu'on évoque les personnes qu'elle a aidées, elle plaisante: "D'une certaine manière, j'ai eu 70.000 enfants dans huit pays!".
Dans ses derniers jours, la religieuse nonagénaire pouvait difficilement marcher et était sous assistance respiratoire, mais elle essayait de voir le "côté positif" de sa situation. "Bien sûr, je ne peux plus voyager comme avant, je suis forcée de rester dans ma chambre. Maintenant, j'ai beaucoup de temps pour prier". AP