"Monsieur le législateur,
Monsieur le législateur de la loi de 1916, agrémentée du décret de juillet 1917 sur les stupéfiants, tu es un con.
Ta loi ne sert qu'à embêter la pharmacie mondiale sans profit pour l'étiage toxicomanique de la nation
parce que :
1° Le nombre des toxicomanes qui s'approvisionnent chez le pharmacien est infime;
2° Les vrais toxicomanes ne s'approvisionnent pas chez le pharmacien ;
3° Les toxicomanes qui s'approvisionnent chez le pharmacien sont tous des malades ;
4° Le nombre des toxicomanes malades est infime par rapport à celui des toxicomanes voluptueux;
5° Les restrictions pharmaceutiques de la drogue ne gêneront jamais les toxicomanes voluptueux et organisés ;
6° Il y aura toujours des fraudeurs;
7° Il y aura toujours des toxicomanes par vice de forme, par passion;
8° Les toxicomanes malades ont sur la société un droit imprescriptible, qui est celui qu'on leur foute la paix.
C'est avant tout une question de conscience."
Antonin Artaud, in L'Ombilic des Limbes (1927), disponible en NRF-Gallimard, collection Poésie.
Bon, j'ai pas pu m'empêcher... Le texte date de 1927, et visait à lutter contre les lois qui interdisaient la vente par les pharmaciens des drogues (morphine, choloroforme, cannabis, etc...) jusque là considérées comme des médecines... et qui eurent quelques effets néfastes sur le moral des troupes pendant la grande guerre. On peut pas dire que la prohibition de 1916-1917 ait réellement eu l'effet escompté...
Sans vouloir donner de leçons à qui que ce soit, je crois que ce genre de problématique ne devrait pas être abordée à la légère, parce que comme le dit le Père Antonin, les cas de "toxicomanie" sont très divers, et ne relèvent pas tous de la même logique. Entre le "malade" et le "voluptueux", selon ses termes, s'ouvre un éventail de réalités sociales et psychiques très diverses, qu'on ferait mieux de chercher à comprendre avant que de les juger. N'étant ni médecin, ni psy, je vous conseille juste de jeter un oeil sur ce texte et de lui accorder le temps de la réflexion — même si c'est pour le vomir après, mais alors en connaissance de cause.
Bon, ni
ni rien d'autre, ce serait mal venu... mais le coeur y est
PS @DBMan: feed your head...